Qui suis-je?
Qui vois quand je vois?
Qui entend quand j’entends?
Qui sait quand je sais quelque chose?
Qui ressent quand je ressens?
Ces questions, telles que « qui suis-je », simples en apparence, m’accompagnent depuis longtemps, mais ce jour-là, elles ont résonné avec une intensité particulière.
Je marchais paisiblement dans les allées du Jardin botanique de Berlin, quand mon regard s’est posé sur l’eau calme d’un bassin. En baissant les yeux, j’y ai vu bien plus que mon reflet. Il y avait le dôme de la serre, inversé et parfait. Les plantes aquatiques affleurant à la surface. Le ciel dilué dans l’eau. Mon propre visage, flou, fondu dans tout cela. Et là, je me suis demandée :
« Qu’est-ce que je vois vraiment ? »
Vois-je l’eau ? Vois-je le reflet ? Vois-je à travers moi ? Qui, en moi, regarde cette scène et se demande qui suis-je vraiment ?
Le retour à un questionnement essentiel
Cette question m’a instantanément ramenée à une autre, plus ancienne, plus essentielle :
« Qui suis-je ? »
Un écho direct à une expérience marquante vécue en janvier dernier, lors d’un voyage en Inde. J’ai eu la chance de méditer dans un lieu profondément inspirant : l’ashram de Ramana Maharshi à Tiruvannamalai. Ce grand maître spirituel, figure incontournable de la tradition advaita vedānta, enseignait la voie directe vers l’éveil à travers une méthode à la fois simple et vertigineuse : la question “Qui suis-je ?”.
L’ashram en lui-même est d’une sérénité saisissante. Un calme rare, presque surnaturel. J’y ai pourtant vécu une scène cocasse et très indienne : alors que je contemplais, perdue dans mes pensées, j’ai été légèrement sermonnée pour ne pas avancer assez vite dans la file autour de l’espace sacré… Un rappel que même dans un lieu de paix, l’ego des uns se heurte à celui des autres. Dualité, encore.
Ramana Maharshi disait que la pensée “je” est la racine de toutes les autres pensées. En s’y attaquant, on peut remonter à la source de la conscience elle-même. Il ne s’agit pas de répondre avec des mots, mais de rester avec la question, et ainsi explorer qui suis-je, en laissant dissoudre toutes les identifications.
Les pensées au coeur du mental
Des pensées vont surgir – toujours. Des sensations, des images, des souvenirs. Et c’est là que commence l’exercice subtil : au lieu de s’y attacher, on demande : “À qui s’adresse cette pensée ? Qui en est le témoin ?”. Et ainsi, couche après couche, on retire les masques : ni le corps, ni les pensées, ni les émotions ne sont vraiment “moi”. Il ne reste que l’Être, pur, silencieux.
Un état que nous connaissons tous… sans le savoir. Par exemple, dans le sommeil profond, où il n’y a ni mental, ni monde extérieur, et pourtant quelque chose subsiste – un fond de paix absolue. Sri Ramana partageait :
« Tout être vivant aspire à un bonheur jamais troublé par la souffrance. Et chacun éprouve le plus grand amour pour soi-même ; la source de cet amour est le bonheur seul. Ainsi, afin d’atteindre ce bonheur qui est notre nature réelle […], chacun doit se connaître soi-même. »
— Nan Yar (“Qui suis-je ?”), Sri Ramana Maharshi
Depuis ce voyage, cette question est devenue comme un fil conducteur. Parfois elle surgit au détour d’un moment banal, parfois elle m’habite longuement, silencieusement. Ce n’est pas une quête linéaire, ni une méthode magique. C’est une ouverture.
Et toi ?
Est-ce que ça t’arrive de t’arrêter un instant, de te demander, au-delà des rôles, des pensées, des sensations :
« Qui suis-je ? »