Vīrabhadrāsana : les guerriers en yoga, entre mythe et puissance intérieure
Parmi les postures emblématiques du yoga moderne, vīrabhadrāsana, ou la posture du guerrier, occupe une place centrale. Puissantes et ancrées, ces āsana incarnent force, stabilité et clarté d’esprit. Mais au-delà de leur aspect physique, elles portent une histoire mythologique fascinante : celle de Vīrabhadrā, le guerrier né de la chevelure de Shiva.
Aujourd’hui, ces postures sont aussi revisitées à la lumière de la philosophie du yoga, de la biomécanique moderne et des approches thérapeutiques.
Dans cet article, explorons l’étymologie, le mythe et la pratique des guerriers en yoga, afin de comprendre leur profonde symbolique spirituelle.
Table des matières
Étymologie : que signifie vīrabhadrāsana ?
- Vīra (वीर) : héros, brave.
- Bhadra (भद्र) : prospère, béni, bienveillant.
- Āsana (आसन) : posture.
Virabhadrasana peut se traduire par « posture du héros bienveillant » ou « Guerrier noble ».
Le mythe de Vīrabhadrā
Purāṇa et tradition classique
Selon le Śiva Purāṇa (texte sanskrit majeur de l’hindouisme), lorsque Sati, épouse de Shiva, se sacrifie lors du yajña (rituel) de son père Daksha, humiliant ainsi son époux, Shiva arrache une mèche de ses cheveux. De cette énergie naît Virabhadra, un guerrier féroce gigantesque incarnant la colère divine.
- Guerrier I : l’irruption => Virabhadra surgit dans l’assemblée.
- Guerrier II : l’expansion et la vision => il s’étend, arme brandie, prêt à frapper.
- Guerrier III : l’acte tranchant et décisif => il tranche la tête de Daksha avec précision.
Apaisé ensuite, Shiva finit par redonner la vie à Daksha en lui offrant une tête de bouc.
Le message : la destruction peut ouvrir à la transformation et à la compassion
La version citée par Geeta S. Iyengar
Dans Yoga: A Gem for Women, Geeta S. Iyengar relie Virabhadra au Kumārasambhavam de Kālidāsa, un poème qui raconte la naissance du dieu de la guerre Kumāra (Kartikeya). Même si le texte lui-même ne mentionne pas Virabhadra, cette interprétation met en valeur la puissance poétique de Kālidāsa comme toile de fond symbolique.
Les trois guerriers : pratique, symbolique et bienfaits
1. Virabhadrasana I – Le surgissement
- Technique : pied arrière à 45°, hanches de face, bras levés.
- Symbolique : la naissance du courage et de la force intérieure.
- Anatomie : Selon Blandine Calais-Germain, l’ouverture des hanches et l’ancrage doivent se faire sans contraindre les lombaires (Anatomie pour le yoga).
- Bienfaits : ancrage, ouverture du cœur, étirement puissant.
2. Virabhadrasana II – La vision claire
- Technique : jambes écartées, bras parallèles, regard fixé.
- Symbolique : stabilité, clarté de la vision.
- Anatomie : Leslie Kaminoff insiste sur l’importance de la respiration et de l’alignement des genoux avec les chevilles (Yoga Anatomy).
- Bienfaits : renforce les jambes, ouvre les hanches, développe la présence.
3. Virabhadrasana III – L’acte décisif
- Technique : équilibre sur une jambe, tronc et bras alignés.
- Symbolique : précision, équilibre, confiance.
- Prévention : Bernadette de Gasquet rappelle l’importance de ne pas surcharger le bas du dos ni verrouiller le genou d’appui (Yoga sans dégâts).
- Bienfaits : stabilité, concentration, force du tronc.
Le corps est le champ de bataille du mental
I.K.Taimni
Guerriers : entre philosophie et guérison contemporaine
I. K. Taimni et la discipline intérieure
Dans The Science of Yoga, I. K. Taimni souligne que les āsana stabilisent le corps et préparent l’esprit à la concentration (dhāraṇā) et à la méditation.
Les Guerriers deviennent une métaphore du combat intérieur : aligner corps, souffle et esprit pour surmonter l’agitation mentale.
Ana T. Forrest et la médecine du guerrier
Dans Fierce Medicine, Ana T. Forrest voit dans les Guerriers un outil de guérison émotionnelle. Pour elle, ces postures réveillent la vitalité, libèrent les blocages et enseignent la résilience.
Le Guerrier devient une pratique d’empowerment, où la force se transforme en courage de vivre avec authenticité.
Guerriers : entre tradition et modernité
Contrairement à d’autres postures anciennes, les guerriers ne figurent pas dans les textes classiques comme la Hatha Yoga Pradīpikā. Ils apparaissent surtout au XXe siècle grâce à B. K. S. Iyengar (Light on Yoga, 1966) et Pattabhi Jois (Yoga Mala, 1958) qui les ont popularisés.
Leur force symbolique et leur potentiel thérapeutique expliquent pourtant leur succès durable, entre ancrage mythologique et modernité pédagogique.
Le message spirituel des guerriers
Les trois guerriers racontent un chemin intérieur :
- Se lever avec courage (Guerrier I).
- Rester stable et clair (Guerrier II).
- Avancer avec précision (Guerrier III).
Qu’il soit lu à travers la mythologie purānique, la philosophie de Taimni, la puissance thérapeutique d’Ana Forrest ou l’approche anatomique moderne (Calais-Germain, Kaminoff, De Gasquet), le guerrier rappelle que le yoga est une pratique de transformation profonde, où la force n’est jamais violence mais outil de paix intérieure.
FAQ – Les Guerriers en yoga
Quelle est l’origine de Virabhadrasana ?
Les Purāṇa attribuent la naissance de Virabhadra à la colère de Shiva. Geeta Iyengar cite aussi le poème Kumārasambhavam de Kālidāsa comme référence symbolique.
Quels sont les bienfaits de Virabhadrasana ?
Renforcement musculaire, stabilité, ouverture du cœur et des hanches, concentration, vitalité émotionnelle.
Quels auteurs modernes approfondissent ces postures ?
- Calais-Germain, Kaminoff, De Gasquet : anatomie, respiration et sécurité.
- I. K. Taimni : la discipline et la concentration intérieure.
- Ana T. Forrest : la guérison émotionnelle et la puissance intérieure.
Le Guerrier n’est pas violent : sa force sert à transformer
B.K.S.Iyengar
Photo de Taryn Elliott